Congres Société Espagnole d'Acoustique - Avila 1999
Michel Vallet , INRETS-LTE,
Introduction
En France , l’Etat a décidé de mieux protéger l’environnement autour des aéroports, en publiant plusieurs nouvelles lois ou réglementations, ou en précisant certaines règles de circulation aérienne. Cette prise en compte du bruit est rendue nécessaire par la reprise d’un accroissement régulier du trafic depuis le milieu des années 1990, à Nice, Marseille, Toulouse, Strasbourg et par les projets de création de nouvelles pistes à Paris-Roissy et à Lyon :ces projets étaient prévus depuis l’origine ( début des années 1970) dans les plans de développement des aéroports.A Paris la construction est immédiate, tandis que à Lyon la création se fera à terme ( 2010 ?)
Ces modifications des infrastructures et du trafic aérien provoquent de façon générale une crainte quant à un accroissement des nuisances, qui mobilisent les riverains et leur élus. La réponse de l’Etat consiste en la publication d’une Loi , en date du 12 juillet 1999, créant une autorité indépendante de contrôle des nuisances aéroportuaires ( ACNUSA), ou le rôle des acousticiens de l’environnement sera tres important.
Des arrêtés ministériels concernent aussi l’exploitation des aéroports la nuit.
Enfin pour chacun des 8 aéroports les plus importants une charte est négociée, sous l’égide de l’Etat, entre l’aéroport, les collectivités locales et les riverains.
L’ACNUSA : la Loi du 12 juillet 1999
Cette autorité de contrôle deviendra effective tres rapidement après la publication de la loi, c’est-à-dire avant le 1er janvier 2000 ; elle aura un budget indépendant. Sur le fond, 5 des 8 membres de l’ACNUSA seront des spécialistes : en acoustique, en gène sonore, en santé humaine, en aéronautique et en navigation aérienne. Une fois nommés, pour 6 ans, ces membres ne sont pas révocables.
Les fonctions de l’autorité sont de :
- donner des recommandations sur toute mesure de bruit autour des aéroports , et notamment de définir des indicateurs de mesure adéquats
- d’évaluer la gène sonore
- de se consacrer à la maîtrise des nuisances sonores du transport aérien et de l’activité aéroportuaire, à la limitation de leur impact sur l’environnement, en particulier par les procédures de moindre bruit pour le décollage et l’atterrissage.
- évaluer les propositions émises par toutes les parties concernées (aéroport, riverains, collectivités locales, Etat) quant aux trajectoires.
- Saisir les autorités compétentes en cas de manquement aux règles.
- Avant la publication de cette loi, l’Etat avait institué une Commission nationale de Prévention des nuisances, dont le rôle est de proposer des sanctions. Cette Commission présentera maintenant ses projets de sanctions à l’ACNUSA, qui consistent en des amendes allant de 10 000ff à 80 000ff. L’efficacité de ces sanctions commence à se faire sentir, par une diminution des infractions en matière de bruit.
Le second point concret de la mission de l’ACNUSA consiste à définir un système de mesure du bruit et de suivre les trajectoires des avions à l’arrivée et au départ de l’aéroport. Ce dispositif de contrôle du bruit sera conforme aux normes internationales. L’autorité définit les éléments pour la mesure du bruit :
- les indicateurs ( sans doute unités, paramètres ,durée) et tous les paramètres nécessaires à une mesure correcte
- le nombre et les emplacements des stations de mesure, pour les 8 principaux aéroports français
- les prescriptions d’exploitation du réseau de stations
Ces réseaux de mesure ( microphones et radar secondaire) sont installés, gérés et leur résultats sont exploités par les aéroports eux-mêmes ; l’autorité ACNUSA veille au respect des prescriptions techniques et contrôle par exemple la fiabilité des conditions de mesure.
L’autorité établit un programme de diffusion des résultats de ces mesures acoustiques et aussi des sanctions infligées en cas de non respect des niveaux de bruit ou des trajectoires, auprès du public des association , des élus et en général de toutes les personnes qui en font la demande ; l’autorité s’assure que l’accès aux résultats est réel ; en effet on assiste parfois à un long délai entre la réalisation des mesures et leur éventuelle diffusion, selon les riverains.
En fait un réseau de relevé de trajectoires et de mesures acoustiques couplées aux trajectoires existe déjà autour des aéroports de Paris : c’est le système SONATE dont les résultats peuvent etre consultés en ligne par un simple coup de téléphone. Un rapport annuel présente une synthèse des données pour les 16 stations de mesures fixes existantes autour de Orly et de Roissy . D’autres aéroports européens ont adopté cette démarche, et on peut se demander si une généralisation de ces procédures ne seraient pas utiles pour le contrôle du bruit de trafic aérien, au moment ou se prépare la Directive Européenne sur le bruit de l’environnement.
D’une façon plus générale, l’ACNUSA un rôle administratif, en étant consultée :
- sur les projets de plan de gène sonore( PGS) qui établissent les zones de bruit à l’intérieur desquelles les logements peuvent bénéficier d’une aide technique et financière pour améliorer l’isolation phonique, et sur les projets de plan d’exposition au bruit ( PEB) qui détermine la nature et la densité de l’urbanisme possible en fonction du bruit prévisible à 10 – 15 ans
- sur les projets de textes réglementaires concernant la protection de l’environnement sonore , notamment les valeurs maximales de bruit à ne pas dépasser, ainsi que toute modification des procédures de départ , d’attente , d’approche aux instruments.
L’autorité de contrôle peut enfin examiner l’application des chartes, établies afin d’assurer des progrès dans la maîtrise des nuisances sonores découlant du trafic aérien.
Pour cet ensemble de missions , assez large, l’ACNUSA peut faire appel à des experts et recruter du personnel.
Les Commissions Consultatives de l’environnement et les Chartes
Créées par une loi en 1985, leur fonctionnement est modifié par la Loi du 12 juillet 1999.Un tiers de leurs membres sont des représentants des associations de riverains ou d’associations de protection de l’environnement et du cadre de vie . Les moyens de fonctionnement de cette commission sont mis a disposition par l’aéroport concerné.
La commission est consultée sur toute question d’importance relative à l’aménagement ou à l’exploitation de l’aéroport qui peut avoir une incidence sur les zones de bruit .Ainsi la commission participe et peut même coordonner la rédaction des chartes ,qui formalisent les engagements des diverses parties en vue de maîtriser les nuisances sonores.
De plus elle donne un avis sur le plan d’exposition au bruit : la nouvelle loi dit que ces plans peuvent délimiter une zone de bruit ou on peut construire des logements collectifs, ce qui est interdit en zone C, plus bruyante que la zone D.
Cette commission va donc jouer un rôle accru ,au plan des décisions mais aussi pour relayer une information complexe sur le bruit , et qui demande une bonne précision dans ses explications
Les chartes sont négociées entre l’exploitant de l’aéroport , les élus et les riverains ; elles permettent d’affiner tout ce qui n’est pas fixé par la loi . C’est un texte écrit, établi sous l’égide de l’Etat .Parfois on peut noter une certaine réticence de la part des associations : par exemple lorsque l’aéroport s’engage à faire tout ce qui est possible pour que le bruit n’augmente pas , si les riverains jugent qu’au moment des discussions les niveaux acoustiques sont trop forts, alors ils ne signent pas la charte.
L’avenir verra comment évoluent ces accords, mais des aujourd’hui on peut affirmer que les discussions auront d’abord un effet psychologique pour rétablir une certaine confiance entre les partenaires ainsi qu’un apport pédagogique quant à la connaissance des problèmes de bruit de l’environnement . Dans une récente enquête on a noté que :
- 597 personnes ,sur 1373 interrogées connaissent le terme décibel
- 30 seulement connaissent les plans de gène sonore
- 23 les plans d’exposition au bruit
2 le terme " indice psophique " , qui est l’indice acoustique utilisé en France pour les bruits des avions
- 721 ne connaissent aucun de ces termes
Il y a donc l’espoir que les riverains adoptent les mêmes concepts que les techniciens, ce qui devrait faciliter le dialogue entre les parties
Les chartes seront discutées aéroport par aéroport ; à ce jour la charte pour Paris Roissy est achevée , et celle d’ Orly est en préparation . La discussion pour les autres villes viendra sans tarder.
Autres textes et Conclusions
Les autres textes sont des arretés ministériels ,qui fixent certaines conditions d’exploitation du trafic . Le plus récent est celui du 31 juillet 1999, qui interdit à Lyon-Satolas les vols de nuit aux avions du chapitre II , c’est à dire les plus bruyants, ce qui anticipe la fin complète de l’utilisation de ces avions en avril 2002.Cette mesure ,qui va toucher surtout les transporteurs de courrier rapide, devrait engendrer un abaissement du bruit de l’ordre de 3 dB(a) sur le Leq nocturne . Cette mesure est déjà effective à Roissy. Pour cet aéroport , les essais moteur sont interdits la nuit ,et la zone d’essai a été déplacée pour la rendre moins nuisante.A Lyon l’atterrissage à vue la nuit est interdit, et les avions doivent suivre les couloirs , qui couvrent des zones tres peu habitées, ce qui réduit l’impact en terme de nombre de personnes atteintes par les niveaux max.
On assiste donc aujourd’hui à un effort particulier et soutenu de la part des autorités , qui donne le signal d’une période pendant laquelle la maîtrise des nuisances sera l’objet d’une attention grandissante de la part des acteurs de l’aviation
Références
Santiago S : Mesures du bruit d’avions autour de l’aéroport de Madrid, Congrès ICA Berlin Mars 1999.
Vallet M , Jacob.L :Noise control at night around Paris-Roissy airport, Internoise 1998 Proceedings New-Zealand